Quand le Cosmos s’invite à bord…
Le programme de sciences participatives CosmicSail consiste en la mesure à bord de voiliers de particules invisibles issues de l’interaction entre des particules venant du cosmos avec l’atmosphère. Le projet a une visée à la fois scientifique, et pédagogique et offre à tout citoyen la possibilité de s’investir dans un protocole scientifique via des échanges réguliers avec les scientifiques référents, depuis la confection d’un détecteur de particules cosmiques jusqu’à la collecte des données en mer, leur analyse et leur vulgarisation. De belles aventures en perspective qui nous feront voyager sur les océans du monde dont les plus reculés mais néanmoins fascinants que sont les océans polaires, tout en contribuant à éclaircir les mystères de ces particules invisibles qui nous viennent des confins de l’Univers.
Le rayonnement cosmique
La surface de l’océan est le lieu de rencontre entre l’océan et l’atmosphère, elle-même traversée par des particules invisibles venant du cosmos aux propriétés étonnantes et vecteurs d’énergie : les « particules cosmiques ». Ces particules cosmiques sont majoritairement des protons et des noyaux en provenance du soleil, de l’espace galactique et extragalactique. Leurs énergies peuvent prendre des valeurs très différentes. Les plus puissantes détectées sur terre ont l’équivalent de l’énergie cinétique d’une balle de tennis lancée à 160 km/h ! Les plus énergétiques d’entre elles vont franchir le champ magnétique terrestre qui nous sert de bouclier et interagir avec les molécules de la haute atmosphère en produisant des particules dites secondaires, moins énergétiques.
Les aurores polaires, une danse lumineuse due à la rencontre des atomes
Dans les régions polaires, l’entrée de ces particules dans l’atmosphère et leurs interactions avec les molécules qui la composent comme l’oxygène ou l’azote produit des particules de lumière qui forment les voiles de lumière observables lors des aurores australes (au pôle Sud) et boréales (au pôle Nord), autrefois appelées les « lumières du Nord ». Ces phénomènes atmosphériques qui illuminent les nuits polaires sont aussi éblouissants et féériques qu’intrigants. Puisque ces phénomènes sont le fruit de la conjonction entre des particules chargées électriquement expulsées par le soleil (le « vent solaire ») avec le champ magnétique terrestre, leur occurrence est directement modulée par l’activité solaire et s’intensifie lors des éruptions solaires.
Contexte
Nous sommes aujourd’hui au tout début du 25ème cycle solaire qui a débuté en décembre 2019 et atteindra un pic d’activité maximum en 2025. L’augmentation de l’activité solaire va se traduire par une hausse des éruptions solaires et des « éjections de masse coronale » (puissantes expulsions de plasma et de champ magnétique solaire). Cependant, ce nouveau cycle solaire se caractérise par un champ magnétique solaire particulièrement faible, favorisant l’entrée des particules cosmiques galactiques dans le Système Solaire. Or, il semblerait qu’actuellement l’intensité du champ magnétique de notre planète qui nous protège de ces particules, serait également en train de s’affaiblir, en particulier dans l’hémisphère occidental. Ainsi les rayons cosmiques sont actuellement particulièrement nombreux dans notre atmosphère.
En raison de leur grande vitesse et leur haute énergie, les particules cosmiques peuvent affecter les équipements technologiques exposés et les organismes vivants en altitude et dans l’espace. Certaines études suggèrent également qu’elles auraient un rôle possible dans certains phénomènes atmosphériques, tels la formation des nuages et le déclenchement de la foudre, faisant d’eux des acteurs potentiels de la météo et du climat. Autant de raisons pour s’intéresser de près à ces particules invisibles et améliorer nos connaissances de leurs interactions avec notre environnement.
Les muons et leur détection au niveau de la mer
Nous concevons un instrument de mesure qui détectera la présence d’une catégorie de particules cosmiques secondaires les plus présentes à la surface des océans : les muons. On en capte en moyenne un par cm2 et par minute. Ce sont des particules chargées, analogues aux électrons mais plus lourdes et qui ont la capacité de traverser la matière beaucoup plus facilement.
La mesure des muons à bord des voiliers permettra de mettre en évidence différents phénomènes qui influencent leur production tels que l’activité solaire et les propriétés atmosphériques. Ils seront également plus ou moins nombreux selon la latitude: on s’attend à détecter plus de muons dans les régions polaires. En embarquant un détecteur de muons à bord des voiliers qui partent en expéditions nous rendrons ainsi visible l’invisible.
Objectifs
Scientifiques :
- Compléter les connaissances de la dynamique des muons par la collecte de données sur les océans et la mise en évidence des phénomènes qui modulent leur production (tels ceux liés à l’activité solaire, les propriétés atmosphériques, et du champ magnétique terrestre).
- Confronter les données aux modèles existants.
Pédagogiques :
- Faire découvrir le sujet des particules cosmiques, leurs interactions avec l’environnement et la beauté des phénomènes associés (telles les aurores boréales et australes), par la création de supports pédagogiques écrits et vidéos et en mêlant l’art et la science.
- Créer des liens entre citoyens, plaisanciers, scientifiques, artistes, et permettre à tous de participer à un projet scientifique.
La création du programme est aussi motivée par le plaisir d’être curieux, créer, imaginer, explorer…
Le kit de mesure
Pour collecter les données, un kit de mesure sera fourni aux équipiers. Le kit de mesure sera composé de:
- Un boitier de mesure composé d’un détecteur de muons (qui dispose, en plus de la partie sensible aux particules, un module GPS avec antenne déportée, et un capteur de pression et de température).
- Une documentation d’utilisation du kit.
- Des ressources pour expliquer les enjeux scientifiques.
Le kit a pour vocation d’être reproduit par tous et distribué sur les différents réseaux, sous licence OpenSource. Le détecteur a été conçu en collaboration avec l’association My Human Kit (https://myhumankit.org).
Comment ça marche ?
Le détecteur de muons est simple d’utilisation, de petite taille (160 x 70 x 48 mm), et de consommation réduite. Il est basé sur un détecteur existant nommé ‘CosmicWatch’ développé au MIT par Spencer Axani (CosmicWatch::catch yourself a muon (mit.edu) sur lequel des développements sont réalisés afin de l’améliorer et de l’adapter à la mesure sur voilier. Cet instrument innovant est spécialement développé pour être moins onéreux que les outils classiques et dédié à une utilisation citoyenne. La détection est basée sur le principe de scintillation : les muons sont détectés par l’émission du photon qu’ils induisent dans les lattes d’un scintillateur fait de matière organique (plastique), converti en impulsion électrique et amplifié ensuite par un photomultiplicateur. Le signal reçu à la sortie du photomultiplicateur est convertit en signal numérique de sorte qu’il soit mesurable par un microcontrôleur.
Du fait de sa taille réduite, le détecteur n’a pas les mêmes objectifs, exigences, et capacités que les détecteurs existants. Les données seront complétées par les estimations d’un modèle de radiation qui simule les cascades de réaction atmosphériques des particules cosmiques primaires jusqu’aux particules cosmiques secondaires. Les mesures à bord des voiliers permettront d’obtenir des données à différentes latitudes, y compris dans les régions les plus reculées, sur des périodes de temps allant de la semaine à plusieurs mois et mettront en évidence les phénomènes qui modulent la production de muons.
Après assemblage et développement des kits de mesure qui équiperont les voiliers, les détecteurs-prototypes sont testés en mer sur les voiliers des plaisanciers partenaires et modifiés/adaptés si nécessaire. On réfléchit notamment à une méthode permettant de garder les détecteurs à l’horizontale à bord du voilier afin de limiter l’impact du roulis/tangage sur la mesure. Les kits une fois validés sont ensuite embarqués en expédition. Les données sont acquises en continu de manière automatique pendant toute la navigation et stockées sur une carte mémoire. Une fois collectées, elles sont ensuite traitées et analysées, avec l’aide du chercheur partenaire, et complétées par les données météo du bord (notamment la pression atmosphérique et température de l’air).
Statut du programme |
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Le premier détecteur de muons est à bord du voilier Persévérance (Bateau de l’expédition Polar POD par Jean-Louis Etienne) depuis le 11 juin 2023. Le second détecteur de muons est à bord du voilier « Agnès Blue » depuis février 2024 pour une expédition réalisée dans le cadre de l’association « Les Murmures des Océans » fondée par Aurélie Twarog, qui mêle art, science, et pédagogie afin d’émerveiller pour sensibiliser à la protection des cétacés. D’autres détecteurs seront conçus prochainement. |
Partenaires |
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• Scientifique : Office National d’Études et de Recherches Aérospatiales (ONERA) • Citoyen : Association My Human Kit • Financier : Fondation Maison Colin Seguin |
Ressources |
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Module pédagogique interactif Cliquer ici |