Introduction 6

Partie 1 : S’engager en sciences participatives : de l’implication à l’engagement, premiers facteurs de motivation des participants au programme SensOcean 18

Chapitre 1 : Prendre part à un programme de sciences participatives, premier pas de l’engagement ou évolution associative et militante ? 18

Section 1 : L’implication dans un programme SP : motivations premières 18

A. Prendre part à la science 18

B. Action environnementale plus globale 22

Section 2 : Légitimer le savoir profane et les expériences personnelles 25

A. Expériences associatives et complémentarité des engagements 25

B. Penser la méthode scientifique et la vulgariser 27

Chapitre 2 : Configuration(s) socio-spatiale(s) : facteurs d’engagement 30

Section 1 : (S’)Organiser : particularité des activités et échanges internes 30

A. Un panel d’activités variant selon les programmes… 30

B. … dont le cadre de réalisation influence l’engagement 33

Section 2 : La question du tiers-lieu : du fablab à la constitution d’un groupe 35

A. Particularité des espaces dans l’engagement : le cas du fablab 35

B. Une matérialisation des rencontres dans l’espace : dépasser l’engagement individuel 39

Partie 2 : Comprendre la bascule vers l’engagement et ses limites par les expériences vécues du public 42

Chapitre 1 : Prendre en considération le public et ses retours 42

Section 1 : Citoyen-participant : simple receveur ou bien aussi constructeur/animateur du programme 42

A. Co-construire et recevoir des savoirs, circularité de la connaissance 42

B. Partager les apprentissages : cas de la communication engageante 45

Section 2 : Contexte et présentation du programme 48

A. Quel programme pour quel problématique : considérer les enjeux locaux 48

B. Faire le lien entre la science et la société : sentiment d’utilité et reconnaissance 50

Chapitre 2 : décalage entre leviers et attentes : quels freins supplémentaires 53

Section 1 : Un engagement soumis à des contraintes indépendante à la motivation 53

A. Le temps et la temporalité, une approche multiniveau qui peut entraver l’implication et l’engagement 53

B. Contrainte budgétaire : la prise en compte des ressources financières 57

Conclusion 60

Bibliographie 62

Introduction

François Houlier présente les sciences participatives comme une approche ancienne de la science qui connaît une forte croissance, notamment grâce à ses usages numériques, qui aurait (en 2016, lors de l’écriture de sons rapport) alors quatre objectifs principaux.  Ces quatre moteurs qu’il décrit alors sont les premières explications à l’engouement des sciences participatives auxquelles nous avons été confrontés ; elles nous ont permis de saisir des premiers questionnements quant au rôle des programmes, à la motivation des citoyen.nes à prendre part mais aussi à l’intérêt public que ces engagements vont représenter. Le premier moteur permettant la croissance des PSP serait alors selon l’auteur la possibilité de satisfaire la curiosité des citoyen.nes. Le deuxième moteur (qui expliquerait aussi que les PSP soient de plus en plus investis tant par la science que les citoyen.nes) est l’idée qu’en incitant le développement de la science participative, il devient alors possible de résoudre des problèmes « qui nous concernent en tant que citoyen, consommateurs, riverains », des problèmes qui amènent à se questionner et à encourager le travail en collaboration avec des chercheur.ses. Le troisième moteur ferait plutôt appel à l’utilité des participant.es pour la science, ce qu’iels peuvent apporter de par leur participation du point de vue scientifique, puisqu’il permettrait de « tirer parti des ressources et des talents des citoyens ». Enfin, le dernier moteur concerne aussi plutôt la communauté scientifique que les citoyen.nes, puisqu’il permettrai de pouvoir mener des recherches sur des sujets qui nécessitent une forte implication citoyenne.

Cependant, et nous le spécifierons dans la partie état de l’art de cette introduction, les recherches bibliographiques se basent majoritairement sur les retours du point de vue de la science concernant l’efficacité, l’utilité, des PSP. Ainsi, c’est pour donner une voix supplémentaire aux citoyen.nes engagé.es dans ce type de programme que le projet SensOcean a initié ce travail.

Le travail réalisé ici prend part au projet Emergence SensOcean. Le projet SensOcean est un projet de recherche national qui a débuté en février 2021 et qui prendra fin en février 2023. Il présente une dimension pluridisciplinaire puisque viennent s’y croiser le droit, l’économie, l’océanographie et donc aussi la sociologie et la science politique. Le projet part du constat que l’océan étant un terrain d’études difficile d’accès, l’individu n’y étant pas en permanence, les groupes de recherche scientifiques manquent souvent de données qui permettent d’évaluer l’influence et les effets de l’océan (et de ses courants plus particulièrement) sur le climat terrestre. Alors, pour récolter certaines des données manquantes, et face à une société qui évolue en permanence par les sciences et technologies, la société civile et les citoyens qui la composent pourraient alors être intégrés au processus de compréhension des transformations des écosystèmes. Ainsi, l’équipe du projet constate que cet engagement, ces relations sciences-société dans le milieu marin ont tendance à se développer assez rapidement mais semble avoir du mal à se pérenniser, les « engagements » citoyens ont tendance à s’essouffler. Un angle collaboratif s’ajoute alors à l’exploration d’une partie de l’écosystème qu’est l’océan. En collaboration avec Cédric Courson, doctorant en océanographie, le projet se base aussi en partie sur l’hypothèse que les courants marins exerceraient une influence sur le climat sur terre : ainsi, pour la vérifier, la mesure de la salinité de l’eau 12 permettrait d’évaluer et saisir les mouvements des courants marins et donc la dynamique océanique et son interaction avec le climat. Le projet se trouve donc à l’interface des sciences participatives et de l’observation océanique, dont la participation citoyenne a souvent été réduite à des observations passives sans de réels enjeux pour le.a participant.e (de type pédagogiques ou scientifiques) : « il s’agit ici de créer un nouveau paradigme de pratique de la science, plus ouvert et plus inclusif, qui permettrait d’amener l’étude de l’environnement marin à vaste échelle ». Le projet SensOcean a donc pour but de transformer l’engagement citoyen en océanographie dont il est question en permettant aux participant.es de porter leur engagement à un degré supplémentaire, notamment en co-concevant des capteurs de salinité, entre autres, en Fablab mais aussi en permettant à des navigateur.ices hauturier.es d’embarquer ces capteurs pour effectuer des prélèvements lors de leurs navigations, toujours en maintenant un lien avec la communauté scientifique impliquée sur le projet. Il présente ainsi une dimension collaborative particulièrement forte : de la co-construction des capteurs à la co-analyse des résultats de collecte, en passant par la co-construction des méthodes de recherches à bord (à adapter aux vécus des navigateur.ices, nécessitant ainsi leur participation en amont des prélèvements). Le projet, qui porte ainsi sur les rapports sciences-société et les effets de collaboration avec la sphère scientifique sur l’élaboration de politiques publiques s’inscrit dans l’axe de recherche C de l’unité AMURE.

Cadre théorique

Usage du terme sciences participatives

Sciences participatives, sciences citoyennes, sciences collaboratives, nous avons été confrontés assez rapidement aux différentes conceptions de la participation des citoyen.nes à la science. Des travaux ayant déjà été réalisés sur la différenciation de ces trois dénominations, nous avons ici préféré le terme de sciences participatives. Nous avons donc ici décidé d’entendre la notion de sciences participatives au sens définit par F. Houlier. Les sciences participatives sont donc des « formes de production de la connaissance scientifique auxquelles des acteurs de la société civile participe, aux côtés de chercheurs, à titre individuel ou collectif et de façon active et délibérée ».

Savoir expert et savoir profane

Une autre notion issue cette fois de la science politique et qui nous a servi à mieux saisir et cerner notre sujet a été la reconnaissance du savoir expert et du savoir dit profane. En effet, aborder la participation citoyenne par l’apport de savoirs profanes, propres aux participant.es, nous a permis de valoriser ce savoir, qui se rend et est de plus en plus légitime, notamment lorsqu’il intervient dans la construction et l’établissement de problèmes publics. 

Ces notions nous permettent ainsi de saisir l’importance et de reconnaître la montée en compétence des citoyen.nes participant.es comme moteur d’engagement.

Engagement citoyen

Enfin, de manière sous-jacente, nous questionnons ou plutôt essayons de définir aussi ce qu’est l’engagement dans le cadre de PSP.  L’enjeu de ce travail est principalement d’identifier les leviers et les freins à ce que nous appelons l’“engagement citoyen”. Avant même de développer nos propos et travaux de terrain, nous tenons à apporter quelques précisions quant à l’usage fait du terme “engagement”. En effet, l’engagement est un terme utilisé par des nombreuses disciplines relevant des SHS, notamment par Becker. Cependant, bien qu’il soit mobilisé dans de nombreux champs d’études pour analyser les comportements individuels et collectifs (« pouvoir, religion, recrutement professionnel, comportements dans l’entreprise, attitude politique, et ainsi de suite »), il semble assez compliqué d’obtenir une définition claire de l’engagement. Au sens de Becker, l’engagement est le « processus par lequel divers types d’intérêts sont progressivement investis dans l’adoption de certaines lignes de conduites » (Becker, 2006). Pour Thévenot, l’engagement se définit comme « la singularité d’une « agence », c’est-à-dire le dispositif qui habilite un agent à saisir son monde environnant d’une certaine façon, lui donnant par là une « capacité » » (Thévenot, 2011). 

Le concept d’engagement présente alors plusieurs interprétations, qui traversent plusieurs champs tant de la recherche que de la société. Pour Elias par exemple, l’engagement « permet l’insertion sociale du chercheur », nous pouvons alors nous demander si, en sens inverse, l’engagement ne permettrait-il pas l’insertion publique, scientifique, du citoyen.ne. 

Plusieurs interprétations peuvent être réalisées du terme engagement, qu’il concerne l’art, l’éducation, la science du point du vu des chercheur.ses, la politique, etc… 

Définition

De nombreux concepts et théories sont intervenus dans nos réflexions et hypothèses. Cependant, il nous semble nécessaire de venir définir certains thèmes qui encadrent notre travail.

Sciences participatives

« General public engagement in scientific research activities when citizens actively contribute to science either with their intellectual effort or surrounding knowledge or with their tools and ressources » telle est la définition donnée dans l’article White paper on citizen science for Europe, écrit par plusieurs scientifiques en 2015 et à destination de la Commission Européenne. Nous avons vu que d’autres termes sont utilisés pour désigner l’intégration des citoyen.nes aux processus de recherche scientifique. 

Dans le cadre de notre travail, nous préférons ainsi nous référer à la définition de F. Houlier : « la science participative est une forme de production de la connaissance scientifique à laquelle des acteurs de la société civile participe, aux côtés de chercheurs, à titre individuel ou collectif et de façon active et délibérée 

Engagement

L’engagement présente plusieurs interprétations dans le champ des SHS. Nous ne prétendons pas avoir une définition stricte de ce qu’est l’engagement. Cependant, le terme étant fréquemment employé dans ce travail, nous tenons à noter la manière dont nous l’interprétons pour cette enquête, afin qu’il ne porte pas à confusion. 

Par engagement, nous entendons donc ici le processus évolutif par lequel les citoyen.nes s’impliquent en premier lieu régulièrement et de manière délibérée au sein d’un PSP jusqu’à s’y intégrer pleinement et à s’y ancrer sur une période donnée, sur du long terme. Nous considérons alors un.citoyen.nes dit.e engagé.e comme un individu qui s’ancre dans le programme grâce à certains leviers de motivation. Le terme ancrer nous semble ici crucial dans notre conception de l’engagement, le.a citoyen.ne ne s’impliquant pas ou ne participant pas uniquement à un programme, sa participation première va agir sur son identité individuelle au point de l’engager pleinement ; il y a une sorte de dépassement de la participation, qui serait plus ou moins régulière, pour aller vers une volonté de prendre part à la production de savoirs scientifiques.

Etat de la littérature

L’état de l’art réalisé est assez conséquent. En effet, les sciences participatives ont été le sujet de nombreuses études, surtout anglosaxonnes. Ainsi, nos sources sont assez variées. Elles se regroupent majoritairement dans des articles relevant de la sociologie ou de la science politique mais dont les différents pans disciplinaires viennent s’y mêler. Par exemple, nous avons mobilisé la sociologie de la créativité (Sociology of creativity, puisque nous n’avons pas trouvé d’équivalent français), de la sociologie de l’espace, de la psychosociologie par moment, mais aussi de la sociologie de l’engagement et des mobilisations pour tenter d’expliquer les motivations à l’engagement. Les thématiques abordées sont donc plutôt larges et se retrouvent tout au long de notre déroulement. 

Cependant, quelques auteur.es sont venus encadrer nos recherches, notamment car iels ont fait des sciences participatives leur objet d’étude principal. 

François Houllier a été un des premiers chercheurs dont nous avons lu les articles pour définir notre sujet, sa direction, et les questionnements qu’il peut porter. Dans Les sciences participatives, une dynamique à conforter, il vient définir, avec d’autres chercheurs, ce que sont les sciences participatives, leur rôle et intérêt notamment pour la science mais aussi pour la société. C’est dans ses recherches qu’il esquisse une typologie de la production scientifique pour visualiser les dispositifs de sciences participatives en fonction d’objectifs divergents. Il a notamment produit le tableau suivant qui permet de se repérer sur l’échelle de la science participative et des usages faits derrière les différentes manières de la nommer.

Tableau 1. Trois grandes familles de dispositifs de sciences participatives. Houllier, F., Joly, P. & Merilhou-Goudard, J. (2017). Les sciences participatives : une dynamique à conforter. Natures Sciences Sociétés, 25, 418-423.

Le deuxième auteur clé en matière de sciences participatives en France que nous avons pu identifier dès le début de nos recherches est Florian Charvolin. Politologue et sociologue des politiques de l’environnement notamment, il a publié cette année une Sociologie des Observateurs de Faune-France Territorialisés (SOFT). Dans nos recherches, qui se situent plutôt en début d’année, nous avons pu mobiliser ses écrits notamment concernant la considération des passions cognitives pour expliquer l’engouement et l’engagement des citoyen.nes au sein de PSP. En effet, F. Charvolin part du principe que « l’analyse des activités de laboratoire, y compris dans ses formes les plus novatrices (telles celles des science studies 

par exemple), laisse peu de place aux affects ». C’est donc à partir de ses écrits que nous avons souhaité investir le rôle des émotions dans l’engagement citoyen. Selon lui, les émotions, les affects, sont très peu mobilisés dans la mise en œuvre « traditionnelle » de la recherche. En revanche, il note que ces même engagements émotionnels (curiosité, plaisir de la découverte) vont être plus facilement admis pour qualifier le travail amateur et souvent le discréditer. Il s’appuie donc ici sur l’importance des émotions, des passions, pour expliquer l’intérêt porté aux sciences participatives ; nous poursuivons en son sens pour tenter d’expliquer comment ces émotions vont être décisives pour ancrer ou non l’engagement des participant.es sur du long terme au sien des programmes étudiés.

Enfin, Sylvie Blangy, ingénieur d’études au CNRS, a entre autres travaillé sur l’ouverture de l’analyse des données aux citoyen.nes participant.es. Ses principaux objets d’études liés à la science participative sont axés sur la recherche-action participative, notamment car lors de ses recherches, elle a pu traiter des rapports hommes-milieux, à la manière dont s’organise la mutualisation des savoirs face à un engagement citoyen en matière environnementale de plus en plus prenant. 

Dans Au-delà de la collecte des données dans les projets de sciences citoyennes : ouvrir le champ de l’analyse et de l’interprétation des données aux citoyens, elle va, en co-écriture, étudier les innovations des programmes de science participative en matière d’écologie et d’environnement pour notamment voir comment l’action des citoyen.nes se cantonnent de moins en moins à de la « simple collecte de données ». Dans cette articles, les auteur.es mettent en place une typologie des projets de SP en fonction de leur capacité à impliquer le.a citoyen.ne tant dans l’analyse que dans l’interprétation des données qu’iels ont récolté.

Malheureusement, il est impossible de citer ici toustes les chercheur.ses dont les travaux ont encadré le nôtre, mais nous les retrouverons au fil de notre développement.

Problématisation

En quoi la pérennité des programmes de sciences participatives dépend de l’engagement des participant.es ? 

Évidemment, identifier les leviers et freins qui permettent ou non l’engagement des citoyen.nes sur le long terme va soulever d’autres questions sous-jacentes, plus larges, par exemple sur les rapports science/société, la manière dont ils se matérialisent, leur utilité, etc… 

Questionner les conditions de pérennité des PSP au prisme de la participation et de l’engagement citoyen permet de mieux saisir les relations sciences/sociétés qui nous semble être désormais cruciales pour l’élaboration et la mise en place de solution face aux problématiques sociétale et environnementales.

Méthode employée

Dans la continuité de nos recherches bibliographiques, il nous a semblé nécessaire de compléter les premiers éléments constatés par une enquête de terrain, afin de percevoir les retours d’expériences et les vécus de chacun. Ainsi, nous avons opté pour une méthode qualitative avec la réalisation d’entretiens semi-directifs ainsi qu’une session d’observation participante au sein du programme Objectif Plancton. 

Nous avons donc réalisé X entretiens, X avec des participant.es au programme SensOcean d’Astrolabe, la plupart étant des navigateur.ices qui embarquent les sondes fabriquées par d’autres participant.es, trois réalisés avec des enseignant.es qui ont pris part au programme Ecoflux (qui a pris fin en 2017). 

Nous avons aussi pu réaliser une séance d’observation participante à bord d’un voilier participant au programme Objectif Plancton.

L’association Astrolabe, qui porte le programme SensOcean, DESCRIPTION. Les citoyen.nes qui s’y engagent peuvent donc être des navigateur.ices ou non, le programme présentant assez d’activités scientifiques pour que tous les profils présents soient intégrés pleinement au programme et y trouvent leur place. 

Chez Ecoflux par exemple, la motivation individuelle est assez différente. Faisant appel aux lycéen.nes, le programme est sollicité et/ou sollicite en premier lieu les enseignant.es de lycées agricoles. Ce sont donc les enseignant.es qui s’engagent au sein du programme et engagent de fait leurs élèves, qui n’ont donc pas réellement choisi leur participation. Nous verrons que les motivations à s’engager, la responsabilité de l’engagement, va jouer sur la pérennisation de ce dernier et donc aussi sur la pérennisation du programme.

Retour réflexif et mise en contexte

Avant de présenter nos résultats et premiers constats, nous tenons à préciser certains points qui permettent de relativiser l’enquête et de mettre en évidence l’importance de poursuivre les recherches sur ce sujet. 

En effet, le travail d’enquête décrit dans la méthode a été réalisé durant 6 mois. Il contient notamment 8 entretiens avec des participant.es à trois programmes de sciences participatives portant sur des enjeux de biodiversité littorale.  Nous pensons donc qu’une enquête plus longue et approfondi permettrait d’affirmer ou rediriger nos hypothèses principales et les résultats qui en découlent aux vues du travail de terrain effectué.

Nous pensons aussi qu’élargir le nombre de programmes observés permettrait éventuellement la mise en œuvre d’une démarche comparative pouvant produire par exemple une typologie précise des motivations individuelles à s’engager sur du long terme.

Partie 1 : S’engager en sciences participatives : de l’implication à l’engagement, premiers facteurs de motivation des participants au programme SensOcean

Chapitre 1 : Prendre part à un programme de sciences participatives, premier pas de l’engagement ou évolution associative et militante ? 

Dans ce chapitre, nous partons des deux principaux leviers à l’engagement relevés tant dans la littérature que sur le terrain : la participation à la science et l’action environnementale que permet l’engagement dans un PSP. Grâce à ces deux premiers leviers, nous essayerons de montrer en quoi les expériences associatives passées mais aussi connexes à l’engagement participatif peuvent permettre d’ancrer la participation à un programme en engagement citoyen et scientifique à part entière sur un long terme. 

Section 1 : L’implication dans un programme SP : motivations premières

  1. Prendre part à la science

Le premier élément de motivation que nous avons pu relever et qui semble faire l’unanimité au sein des enquêté.es (mais aussi des discussions engagées lors de l’observation participante réalisée au sein du programme Objectif Plancton) est la participation à la science. En effet, nous avons pu relever que les participant.es au divers programmes de sciences participatives démontrent un certain engouement à prendre part à une activité scientifique « de grande envergure », certain.es étant par ailleurs déjà familier.es avec les thématiques abordées par les différents programmes, tandis que pour d’autres, ces thématiques constituaient plutôt une découverte à laquelle iels ont plutôt adhéré, les incitant à rester pour en savoir d’avantage, pour élargir leurs connaissances personnelles. 

Les participant.es qui s’inscrivent au sens de l’engagement dans un PSP ont conscience de leur rôle au sein de ce dernier. Nous insistons ici sur le terme « avoir conscience », puisque les participant.es présentent toustes (exceptés peut-être les élèves participant.es à Ecoflux) une volonté de prendre part à des actions scientifiques : iels s’engagent ainsi de leur plein gré à un programme participatif, selon leur volonté et leur motivation.

Lors de nos entretiens, nous avons notamment noté que les participant.es au programme SensOcean, que ce soit celleux qui fabriquent des capteurs et/ou celleux qui les embarquent, ont conscience de leur participation à la science et présentent cet engagement comme un acte scientifique à part entière.

« En fait on sait qu’on peut accéder à des endroits où tout le monde ne peut pas aller, même pour les scientifiques. Donc forcément, c’est pas une obligation mais c’est presque un devoir de participer comme ça, à notre échelle, à la science. D’autant plus que lorsque ça concerne la protection de l’océan, on est un peu en première ligne étant donné qu’on le pratique régulièrement, que c’est notre terrain ». Extrait d’entretien réalisé avec un participant navigateur Objectif Plancton.

De même, les participant.es à l’atelier SensOcean réalisé les 19 et 20 février 2022, lorsqu’il leur est demandé quelles sont les motivations qui les poussent à s’engager, la plupart parlent de curiosité, de passion mais aussi de se rendre et de se sentir utiles. 

Nous notons cependant deux « voies » différentes, empruntées par les participant.es rencontré.es. 

En effet, la première catégorie de participant.es dont une des motivations est la participation à la science relève plutôt d’une affinité pré-existante avec les thématiques abordées dans le programme auquel iels prennent part. Ce sont des individus qui sont déjà plus ou moins familiers avec les thématiques, dans notre cas d’étude, océanographiques, et les savoirs et/ou connaissances qui y sont liés.

Nous notons qu’iels possèdent ces connaissances, que l’on peut alors considérer comme spécifiques, par deux biais : soit par intérêt pour l’océanographie, iels s’y sont donc initié.es de manière « autodidacte », soit de par leur parcours personnel, notamment universitaire, certain.es des enquêté.es étant passé par des parcours universitaires scientifiques relevant de l’océanographie, et impliquant donc les thématiques abordées, par exemple, au sein du programme SensOcean. 

Ce premier constat, cette sorte de « proximité » à la science pré-éxistante à l’engagement nous questionne notamment sur le rôle que va tenir l’affinité, l’intérêt porté à la science, et l’hypothèse que cet intérêt précédant l’engagement (qu’il naisse par le biais universitaire ou bien qu’il relève de la curiosité personnelle des individus) rendrait alors l’expérience au sein du programme plus accessible, tout en permettant d’expliquer pourquoi et comment ces mêmes individus ont réussi à trouver et à s’engager dans un programme x plutôt qu’y

Le deuxième type d’individus dont une des motivations premières à prendre part au programme est la participation à la science n’est cette fois-ci pas nécessairement familier avec le programme ni même forcément aux thématiques qui s’y jouent. Ce sont des participant.es qui ne sont pas passé.es par une formation scientifique en amont mais qui vont cependant reconnaître l’importance de ’’intégrer en vue d’une action environnementale en réponse à une problématique. Par exemple, un navigateur rencontré lors de la journée Objectif Plancton nous a partagé qu’il n’avait pas nécessairement de lien avec le domaine scientifique, qu’il était d’abord lié au programme parce qu’il pouvait accéder aux points de collecte grâce à sa passion, la voile : 

« En fait en soi on n’est pas du tout liés à la science. On participe à Objectif Plancton parce que déjà on peut matériellement aider mais ça nous intéresse aussi beaucoup. On n’y connaît rien donc quand on ramène nos collectes de plancton aux scientifiques, c’est super d’avoir des retours sur ce que c’est, ce que ça veut dire, comment ça impacte la rade et comment ça nous impacte ». Entretien réalisé avec un navigateur Objectif Plancton

Nous notons ainsi que pour ces participant.es, à première vue plus éloigné.es de la sphère scientifique que les précédent.es, font résider leur motivation dans l’apprentissage, pour certain.es, nous notons de même une volonté d’élargissement des connaissances par un biais pratique, « sur le terrain », mais surtout qu’iels vont considérer comme plus ludique (Fine & Corte, 2017).

Avant même d’en venir à l’engagement à proprement parler et tel que défini en introduction, nous trouvons pertinent de mettre en exergue ce premier levier qui, selon nos hypothèses, pourrait être déterminant en vue d’un engagement sur du long terme. En effet, nous avons par exemple pu observer que les navigateur.ices qui initient, au sein de leur équipage (et souvent en amont d’une expédition) l’implication au sein du programme SensOcean sont la plupart du temps celleux  qui sont passé.es par des formations universitaires en biologie ou en environnement, et qui sont déjà familier.es avec la culture scientifique. 

  1. Action environnementale plus globale

Si les enquêté.es semblent être motivé.es par l’action de participation à la science, nous notons un second élément qui a été évoqué à plusieurs reprises, tant en entretiens que dans la littérature effectuée, qui permet aux participant.es de maintenir leur engagement au sein du programme, les menant à un engagement dit de long terme. 

Ce second élément qui nous semble crucial pour saisir les motivations des participant.es est le lien qu’iels entretiennent avec l’environnement et notamment la manière dont iels souhaitent s’engager pour le protéger.

En effet, lors de nos réflexions en amont du travail de terrain, nous avons pu aborder le rôle de l’engagement militant, avec l’hypothèse qu’il serait comparable à un engagement en PSP. L’engagement militant n’étant pas au cœur de notre sujet, il nous semble judicieux de ne pas l’approfondir dans le cadre de ce travail. Cependant, il est particulièrement intéressant de noter qu’une des motivations à s’engager est, pour la plupart des participant.es, la possibilité de « prendre part à une action environnementale globale et impactante », voire même pour certain.es, de pouvoir « dépasser la ‘’simple’’ collecte de déchets ». Nous avons trouvé ces paroles intéressantes puisqu’elles sont prononcées par des personnes qui ont déjà connu un engagement militant et/ou associatif lié à la protection de l’environnement, des océans, etc… Au fil des entretiens, mais nous avions déjà eu quelques pistes lors de nos lectures, il s’est avéré que le lien alors presque émotionnel entretenu avec la nature (et donc la volonté de la protéger) prenait une part particulièrement importante dans l’engagement des participant.es au sein de PSP.

Dans le cadre du programme SensOcean, les participant.es navigateur.ices nous ont ainsi fait part de leur souhait de « mieux connaître l’environnement sur lequel iels naviguent ». 

En effet, dans l’enquête menée par Florian Charvolin, ce dernier nous fait part des résultats et propos recueillis sur son terrain. Ainsi, ses enquêté.es témoignent que lorsqu’iels prennent part à des actions s’inscrivant dans un programme de sciences participatives, iels s’engagent pour la défense de la qualité de vie, qui vient alors dépendre du profil-même des participant.es en question.  Nous remarquons que les citoyen.nes prenant part à ce type de programme ont l’impression que leur action, par le biais scientifique, sert de manière plus concrète à la préservation de l’environnement. 

Face à ce constat tant dans la littérature que sur le terrain, nous pouvons ainsi se voir dessiner un levier à l’engagement qui va en premier lieu inciter les citoyen.nes à prendre part à un PSP : le développement, l’apparition, ou l’approfondissement d’un lien fort à l’environnement. Nous notons et tenons à mettre en avant que les individus s’impliquent et s’engagent à terme dans des PSP entre autres car iels entretiennent un rapport particulier que l’on pourrait qualifier de sentimental voire d’émotionnel à la nature. Ainsi chez F. Charvolin, ce lien peut être « hérité » en fonction des trajectoires sociales des participant.es. Selon lui, les participant.es en question ont par exemple fréquenté la campagne étant enfant, iels avaient un temps consacré aux loisirs en pleine nature, etc… 

Pour certain.es des participant.es, et cela est d’autant plus visible celleux vivant au sein d’un espace urbanisé, s’impliquer et s’engager dans un PSP est un moyen d’entretenir un lien à la nature qui a par exemple été initié durant l’enfance. Pour F. Charvolin, l’hybridité cognitive vient caractériser ces rencontres permises par les PSP, et nous pensons qu’à cela peuvent venir s’ajouter les analyses de la sociologie des émotions. Le rapport émotionnel à la nature engendre une volonté de la protéger et donc d’agir et de s’engager pour cette action. En passant par une prise de conscience de l’importance de la science dans la protection des espaces naturels, mais plus globalement de la coopération citoyenne permises par les PSP, les particpant.es vont avoir tendance à s’engager d’autant plus lorsque l’enjeu qu’iels trouvent relèvent d’une émotion leur étant personnelle.

L’engagement au sein d’un PSP comme une action environnementale à part entière prend tout son sens chez certain.es de nos enquêté.es, notamment chez les navigateur.ices participant aux relevés de plancton en rade de Brest. 

 « En fait nous [couple de navigateur.ices] on a pris part à Objectif Plancton dès le début du programme. Je sais pas trop si on peut parler d’engagement, ça dépend comment on le défini. Mais on fait toutes les sorties de prélèvements ou presque depuis le début donc quoi ça fait vraiment quelques années qu’on participe. 

Et en fait au début on se disait « oui on a les moyens d’aller faire les prélèvements, on nous explique ce que c’est, à quoi ça sert, etc donc pourquoi pas ! Puis très rapidement en fait on s’est dit que c’était presque un devoir de rester parce que l’océan on le pratique, on sait ce que ça représente pour nous en tant que société et on sait que c’est dans un sale état ». Extrait d’entretien recueilli ors de l’observation participante Objectif Plancton.

La navigatrice poursuit alors dans le sens de son mari : « oui en fait on continue parce qu’on sait que ça sert à comprendre mais aussi à trouver des solutions. Et nous dans quelques années on sera plus là, c’est sûr. Mais je pense qu’on le fait aussi un peu pour nos petits-enfants. Et puis eux aussi viennent parfois aux sorties donc ils ont les explications des scientifiques quand on va rendre nos prélèvements, je pense que c’est hyper important de les sensibiliser dès maintenant ». 

On note ici que la participation à un PSP devient une action engagée notamment car elle permet d’agir au présent sur des conséquences futurs. Les participant.es font appel à une sorte de « conscience d’agir pour nos petits-enfants », ce qui montre une fois de plus une attache, une motivation relevant de l’émotion qui les pousse à s’engager.

Section 2 : Légitimer le savoir profane et les expériences personnelles

  1. Expériences associatives et complémentarité des engagements

Nous avons vu dans la section précédente qu’il est en partie possible d’expliquer l’engagement des citoyen.nes dans des PSP par des éléments, des leviers, les incitant et les motivant à initier le premier pas vers l’engagement avant de l’ancrer sur du long terme. Les deux premiers éléments cités relèvent en un premier temps de leviers liés directement à l’intérêt porté aux thématiques des divers PSP. 

Cependant, pour mieux les saisir et relever leur importance, nous pensons qu’il est nécessaire de saisir les profils sociologiques des participants, notamment comme l’explique F. Charvolin. 

Nous nous sommes en parallèle questionnés, lors de notre travail de terrain, sur l’importance des trajectoires biographiques individuelles par rapport au degré de motivation à rester et s’impliquer sur du long terme. Nous émettons alors l’hypothèse que celleux qui ont déjà connu un engagement ou une implication, qu’elle soit associative ou militante, par le passé, sont plus à même de s’impliquer puis de s’engager dans les programmes étudiés. Pour schématiser, il y aurait une sorte de « graphique » de l’engagement biographique à l’échelle individuelle, chaque engagement constituant des apprentissages supplémentaires et menant à un engagement considéré comme « autre », « différent du précédent ». 

L’expérience acquise par le passé permettrai de dessiner une esquisse d’évolution de l’engagement. 

Par exemple, nous pouvons prendre la trajectoire de P. Ce participant à OP nous raconte avoir commencé ce qu’il appelle « sa sensibilisation à la protection de l’environnement » par des actions du type collecte de déchets, ou bien marche pour le climat, pour ensuite se diriger vers des activités qu’iel a réalisé (au sens où iel a commencé à prendre part à leur organisation), jusqu’à en venir aujourd’hui à de la SP (alors elle-même sujet d’une typologie, où plusieurs degrés d’investissement/d’implication sont représentés en fonction des programmes et des activités qui y sont proposées).

Il en est de même pour une partie des enquêté.es prenant part à Astrolabe. Celleux qui sont déjà impliqué.es voire engagé.s à proprement parler dans d’autres associations semblent plus à même de rester dans le programme SensOcean. Il semble même y avoir une sorte de concomitance entre leurs deux engagements. Par exemple, iels vont s’engager au sien d’Astrolabe mais aussi au sein d’une association qui fait de la sensibilisation pour les scolaires. Les données et connaissances acquises chez Astrolabe peuvent être mobilisées à nouveau au sien de contenus à visée plutôt pédagogique. Un engagement sur le long terme au sein d’un PSP serait alors plus durable en étant interdépendant avec un autre engagement qui relève quant à lui fréquemment d’une activité pédagogique (du moins chez les individus rencontrés), de médiation ou de vulgarisation. Cette continuité voir imbrication de deux engagements permettrait d’inscrire le.a participant.e dans une logique de circularité des savoirs et des connaissances. 

« On a aussi des engagements à tenir avec d’autres asso, qui sont plus de la médiation pédagogique, on intervient sur des forums, dans des classes, des choses comme ça, pour présenter nos projets et sensibiliser à l’importance de la protection des océans. Du coup c’est chouette de pouvoir faire des liens entre les différentes assos, de mobiliser des connaissances de SensOcean avec des jeunes ». Extrait d’entretien avec un participant Astorlabe.


Cette idée de continuité de l’engagement s’est, en amont de notre terrain, inscrite lors de nos tentatives de définition de l’engagement et des sciences participatives. En effet, nous avons pu appréhender les sciences participatives comme une réponse aux évolutions tant de la science que de la société. Les processus d’expertisation de la société et de légitimation du profane par le biais militant a été un réel déclic. Nous pensons qu’il permettrait, à terme, d’appréhender les logiques d’engagement individuel qui permettent à un PSP d’évoluer et de se pérenniser.

  1. Penser la méthode scientifique et la vulgariser

Dans une étude menée par la Fondation Sciences Citoyenne, Glen Millot, Claudia Neubauer et Bérangère Storup, les auteur.ices considèrent que les individus qui participent à la définition du problème puis à la collecte et enfin à l’analyse des données se trouvent au plus haut degré du « niveau de participation dans la science citoyenne ».

Schéma 1. Niveau de participation des citoyen.nes en science citoyenne.

Dans nos cas d’études, nous notons que ce degré de participation est aussi lié au partage des connaissances, par exemple dans d’autres associations, mais relève aussi d’une réelle volonté de partage, comme nous avons tenté de le mettre en avant dans le point précédent (A). 

En effet, les participant.es aux divers PSP présentent une réelle volonté, qui va alors servir de facteur de motivation à s’ancrer au sein d’un programme, de comprendre comment la science se fait. Nous pensons pouvoir aller plus loin encore puisque certain.es d’entre elleux démontrent une envie assez forte d’’être intégré au processus de production scientifique et donc d’approfondir la participation, comme si leur engagement à un temps t ne leur suffisait plus et qu’iels souhaitaient le porter à un degré supplémentaire.

Cependant, il est nécessaire de nuancer ce que l’on pourrait qualifier de facteur décisif à l’engagement. En effet, tout ce processus de compréhension et d’appropriation de la méthode scientifique est, pour celleux qui en parlent, une forme de motivation à s’ancrer au sein d’un programme, d’autant plus que c’est un facteur qui va jouer sur d’autre freins ou leviers de motivation. Ici, il est donc important de le saisir plutôt comme un élément qui jouerait un rôle de « déclic », de point de changement de trajectoire dans les engagements individuels. Saisir la méthode scientifique, comme cela a pu l’être évoqué lors de notre enquête, permettrait alors de passer d’un engagement « à durée indéterminée » à un engagement tel que défini en introduction, et donc d’engager sur du plus long terme. Ici, on le présente plutôt comme une forme de prise de conscience de la manière dont est faite la science, prise de conscience qui devient alors décisive pour l’engagement sur du long terme des participant.es.

« En fait, et je pense que c’est ce qui fait qu’en fin de compte, beaucoup de gens ne restent pas, il faut vraiment saisir la méthode scientifique. Participer à un programme de science participative c’est participer à la science mais c’est aussi y être un peu intégré. La recherche ne se fait pas en deux semaines, ça prend du temps, il y a des méthodes spécifiques, etc. Je pense que dès qu’on saisit ça, on sait dans quoi on s’engage et on a plus de facilité à rester ». Extrait d’entretien avec une participante Astrolabe.

Chapitre 2 : Configuration(s) socio-spatiale(s) : facteurs d’engagement 

Dans ce chapitre, nous souhaitons mettre en avant la manière dont les caractéristiques mêmes des programmes observés vont venir favoriser ou non l’engagement de leurs participant.es. Si les facteurs d’engagement, leviers ou freins, observés jusqu’à présent relevaient plutôt des individus mêmes, ici nous allons porter la focale sur des leviers et freins qui sont indépendants des individus, sur lesquels il est nécessaire d’agir différemment pour 

Section 1 : (S’)Organiser : particularité des activités et échanges internes

  1. Un panel d’activités variant selon les programmes…

Le premier élément propre à un PSP qui nous semble agir sur l’engagement des participant.es est le type d’activités qui y est proposé. Denis Cristol, dans son article sur les communautés d’apprentissage, mentionne à ce propos que les apprentissages permettent de relier les corps instituants et les corps institués. Plus généralement, il va prendre exemple sur le théâtre forum et l’éducation populaire, qui a eux deux permettent aux participant.es d’avoir des ressources d’action tout en favorisant le débat et les échanges démocratiques. Toujours dans le rapport sur l’état des lieux des pratiques en France, les auteur.ices insistent quant à l’importance de la réalisation d’ateliers et activités en présentiel. Selon elleux, cela permet aux participant.es d’être accompagné.es dans leurs actions, d’être suivi.es mais aussi et surtout de pouvoir monter en compétence de manière plus rapide et plus efficace qu’un échange en ligne.

Par ailleurs, suite à nos échanges avec les navigateur.ices SensOcean n’ayant pas pu participer aux ateliers de fabrication en fablab, ces derniers nous ont indiqué que, malgré leur envie de prendre part aux ateliers pour leurs connaissances personnelles, iels ne seraient pas capable de les suivre à distance : « je pense que c’est important d’être sur place, c’est un moment d’échange et je trouve ça compliqué de suivre ces activités à distance. En plus avec le covid et tout, moi tout ce qui est à distance je décroche rapidement. Si je pouvais être sur place je viendrais mais à distance je ne pense pas que ce soit pertinent ».

Nous supposons alors que les activités, la manière dont se fait la science participative au sein des programmes va inciter les participant.es à poursuivre ou non leur engagement. 

Dans nos cas d’étude, nous relevons la plupart du temps que les activités proposées sont assez différentes, varient les unes des autres, devenant alors un panel au sein duquel les participant.es peuvent naviguer. 

Au sein de la littérature travaillée, quelques typologies des activités ont déjà été proposées. Cela permet notamment de mettre en avant les spécificités et impacts de chaque activité, tant sur les citoyen.nes que sur leur ressenti. Se pencher sur la nature même des activités proposées permet de comprendre comment une activité va stimuler les participant.es plus qu’une autre, ou bien au contraire, comment une activité va avoir tendance à les lasser et va peut-être pousser le programme à se diversifier, à innover, pour garder ses participant.es motivé.es.

Ainsi, nous avons remarqué plusieurs types de « parcours », plusieurs modules d’assemblages d’activités et leurs effets sur les participant.es selon le programme et le contexte au sein duquel il se situe. 

Ainsi, pour certain.es participant.es, prendre par exemple part à des ateliers de fabrication en fablab leur permet de monter en compétence sur des aspects techniques ; pour d’autres, réaliser la même activité à chaque participation au programme en question va plutôt avoir tendance à les démotiver, à créer une forme de lassitude à terme.

Il en est de même pour le cumul d’activités. Un programme qui va proposer plusieurs activités autour desquelles les participant.es peuvent tourner (pour tantôt participer à de la collecte, tantôt à de l’interprétation ou de la communication de résultats par exemple) va être perçu par certain.es comme une possibilité de se diversifier, de découvrir plusieurs facettes de la science, tandis que pour d’autres, cela va plutôt engendrer un sentiment de frustration, de manque d’approfondissement de chaque activité. 

En somme, la configuration des activités permettra aux participant.es de monter en compétence, 

Les activités proposées ont donc un effet sur l’engagement des particpant.es aux programmes. Qu’il soit un frein ou un levier, cet effet est un facteur à considérer et sur lequel il est possible d’agir pour assurer la pérennité du programme par l’engagement de ses participant.es. 

Sur notre terrain, nos hypothèses et lectures se sont matérialisées sur les trois programmes. 

Pour Ecoflux, par exemple, les enseignant.es interrogé.es nous ont confié que la récolte des données était l’activité principale du programme. A caractère hebdomadaire et surtout vécu comme forcé par les lycéen.nes, ces dernier.es présentent chaque année et très rapidement un sentiment de lassitude assez prenant, les menant même à ne pas réaliser les prélèvements. 

« En fait ça en devient presque ridicule. Ils vont faire leur prélèvement en groupe de deux ou trois, quatre grand maximum mais pas plus parce que ça sert à rien. On a eu des années où quand on les envoyait faire leur troisième prélèvement, ils commençaient à négocier en disant que c’était pas juste parce que le groupe d’à côté n’en avait fait qu’un et qu’ils n’iraient pas prélever. Du coup on se retrouve à faire les prélèvements à leur place la plupart du temps et ça nous pèse aussi ». Extrait d’entretien d’une enseignante d’un lycée fouesnantais participant à Ecoflux.

Pour contrer cela, certain.es enseignant.es développent à côté des prélèvements des activités ou bien des liens entre leur cour et le programme. Par exemple, à Morlaix, l’enseignant référent tente de faire s’entremêler les matières autour des thématiques abordées dans Ecoflux : « on a fait appel à une collègue en géographie qui est plutôt calée en cartographie et du coup on a fait cartographier aux élèves les points de prélèvements et les zones polluées, pour qu’ils aient la possibilité de visualiser concrètement ce qu’ils font, où ils font les prélèvements, qui ça implique, etc… »

Ainsi, selon les programmes, croiser les activités, les diversifier, mobiliser les participant.es de plusieurs manières pour éviter de créer une sorte de routine va pouvoir les pousser à s’engager, la thématique sera à leurs yeux d’autant plus passionnante. Pour d’autres programmes, porter la focale sur une activité plutôt qu’une autre permet aux participant.es de se spécialiser, de monter en compétence sur une thématique, un domaine précis. Ce que nous remarquons ici, c’est qu’il est nécessaire de prendre en considération le public à qui l’on s’adresse pour que son engagement soit pérenne.

  1. … dont le cadre de réalisation influence l’engagement  

Nous avons tenté de mettre en avant l’importance des activités proposées dans le cadre des PSP, notamment les effets que peuvent avoir le nombre d’activité proposées mais aussi les conditions de leur réalisation sur l’engagement des participant.es.

En effet, nous avons essayé de comprendre comment chaque groupe, chaque réunion de participant.es viennent se réapproprier les activités pour les adapter et permettre une certaine forme d’ancrage dans le programme.  

Étudiée et conceptualisée entre autres par Ugo Corte, la sociologie de la créativité permet de mettre en avant les processus de création au sein de groupes d’artistes ou d’écrivains pour mieux saisir ces processus, les éléments qui permettent aux groupes étudiés de créer. Cependant, nous pensons qu’il est possible et même nécessaire de passer par ces études pour tenter d’expliquer en partie les éléments qui motivent les participant.es à s’engager

Une partie de la sociologie de la créativité se consacre à l’importance du cadre des rencontres pour cristalliser ces dernières, permettant les groupes d’être « créatifs », ou en l’occurrence ici, de « produire du savoir ». Nous avons pu noter que le cadre de rencontre importe en plus des activités qu’il va porter, d’autant plus lorsque ce dernier n’est pas associé à ce que l’on pourrait qualifier d’apprentissage traditionnel. 

Ce que nous remarquons donc, en croisant la littérature effectuée et les observations sur le terrain, c’est que lorsque les participant.es ont une marge de liberté pour s’organiser avec le médiateur.ice, iels sont plus à même de s’approprier le contenu de leurs activités et participer aussi en un sens à l’organisation de ces dernières, pour ne pas être simples receveurs. Au travers des échanges, des liens développés, iels vont avoir tendance à s’impliquer davantage et à rester plus longtemps.

Sur les programmes observés, nous notons que cela est le cas dès lors que les participant.es quittent un cadre d’apprentissage traditionnel, notamment en ce qui concerne le cadre scolaire des lycées engagés chez Ecoflux, où certain.es enseignat.es n’hésitent pas à faire appel à ce qui pourrait relever de l’éducation populaire pour mettre en œuvre le programme auprès de lyécen.nes réticent.es.

Par exemple, au lycée de Morlaix, l’enseignant rencontré témoigne que « ça m’arrive de faire cours dehors. En fait au bout de quelques cours à l’intérieur, ils [les lycéen.nes] se lassent vite, ils sont plus attentifs, ils décrochent quoi. E tj’ai remarqué que les emmener dehors, quand c’est possible hein, ça les captive plus. Bon certes, il y a quelques minutes où ils vont papillonner un peu mais au bout de 5-10min on peut commencer le cours et ça marche super bien. C’était aussi l’avantage avec Ecoflux, d’aller dehors, faire des relevés, ils sortaient et c’étaient un peu ce qui les motivait à continuer aussi, au-delà du fait que c’était dans le programme et qu’ils étaient impliqués de fait ». Extrait d’entretien d’un enseignant du lycée de Morlaix.

Cet extrait est issu du premier entretien réalisé avec et pour Ecoflux. Nous avons donc souhaité l’approfondir, ou du moins l’aborder avec les autres enseignant.es impliqué.es et rencontré.es.  

L’hypothèse qu’un cadre moins conventionnel pour mettre en place des activités de sciences participatives permettrait l’engagement des participant.es semble alors se confirmer, puisque c’est un écho que nous avons pu recueillir chez les autres enquêté.es du programme. Elle va ainsi rejoindre l’importance de considérer les publics à qui les médiateur.ices s’adressent :

« En fait au début on choisissait pas vraiment selon les classes. Rapidement, j’ai trouvé que c’était mieux d’engager les élèves en internat uniquement sur Ecoflux. C’est tout bête, mais ils passent la semaine dans le lycée, alors forcément, quand il faut sortir faire des prélèvements, c’est la sortie de la semaine, ils sont hyper contents. Ils vont ailleurs, ils se baladent. Alors c’est dur des fois de les canaliser mais au moins ils y vont avec un peu d’entrain, même si je pense qu’ils sont plus motivés par l’idée de sortir du lycée que d’aller faire des prélèvements (rires) » Extrait d’entretien d’un enseignant de la MFR de Lesneven.

Section 2 : La question du tiers-lieu : du fablab à la constitution d’un groupe

  1. Particularité des espaces dans l’engagement : le cas du fablab

Nous avons souhaité intégrer la notion de l’espace où est mis en pratique des PSP. En effet, toujours dans le travail de définition et de cadrage de l’étude réalisé en amont du travail de terrain, nous avons pu nous familiariser avec des travaux relevant de la sociologie de la créativité, que nous avons mentionné dans le point précédent. Traitant initialement de la créativité entre pairs de cercle de production artistique, certaines notions et certains concepts abordés dans les divers écrits nous ont semblé pertinent pour définir et expliquer les facteurs jouant sur la motivation à l’engagement, comme nous avons pu commencer à le voir.

Selon U. Corte, l’espace jouerai alors un rôle crucial dans les processus de création (le cœur de son sujet), mais aussi dans la cohésion du groupe en question, permettant de le rendre durable. 

Si nous avons montré que déplacer l’activité de sciences participatives dans un lieu non conventionnel, non traditionnel, permet de favoriser l’engagement des participant, nous souhaitons ici nous focaliser sur un lieu en particulier qui fait écho au moins à deux des trois programmes étudiés. Ainsi, dans nos cas d’études, un des lieux catalyseur de la motivation à l’engagement semble être le Fablab. En plus d’être un lieu de production technique et scientifique, il devient alors aussi un lieu de socialisation qui permet des rencontres et des échanges entre membres.

« C’est top le fablab parce que ça permet aussi de rencontrer d’autres personnes. Au tout début, je m’étais engagée à Astrolabe pour faire connaissances avec d’autres personnes, qui ont potentiellement les mêmes affinités que moi. Et en Fablab, on peut vraiment rencontrer des personnes qui ont les mêmes centres d’intérêts, on échange, et en fait on parle de plein de choses différentes. C’est un lieu qui favorise nettement les échanges ». Extrait d’entretien d’une participante Astrolabe.

Nous émettons alors l’hypothèse que les activités en fablab permettent de catalyser la participation des citoyen.nes. Iels se retrouvent dans un endroit qui n’a de lieu que le nom mais qui se concrétise dès lors qu’il est investi : ce sont les participant.es qui font le lieu par les activités qu’iels y exercent, par les liens qu’iels y tissent ou non mais aussi par la manière dont se déroule ces temps d’échanges. Ainsi, nous pensons qu’il est nécessaire de saisir cet espace dans son entièreté pour mieux comprendre quelles sont les logiques qui s’y développent et le caractérisent : le lieu tel que défini par les participant.es est-il fortement hiérarchisé ? Au contraire, y a-t-il une sorte de logique d’horizontalité tant des savoirs que dans l’organisation même des activités ? Quel rôle cela peut-il tenir dans l’implication voire l’engagement desdit.es participant.es ? Ces questionnements permettent de venir saisir le fablab comme un lieu d’expression et de socialisation à part entière. Evelyn Françoise-Lhoste et Marc Barbier parlent des relations sociales au sein de fablab comme un « brouillage désiré des frontières », qui viendrait situer l’activité dans une logique d’intégration à un écosystème local. Les deux auteurices insistent sur « l’engagement biographique » des participant.es qui présentent alors la nécessité de se réunir même en dehors du temps de conception (iels évoquent par ailleurs l’agencement des fablabs, des lieux de discussions, des canapés, des déjeuners participatifs, etc…) : les participant.es « socialisent leur expérimentation individuelle par la mise en récit partagée ». C’est l’expérimentation collective et la circularité des savoirs qui font du fablab un tiers-lieu permettant aux participant.es de se rencontrer, de lier, voire même de créer une communauté.

Le cas d’Astrolabe est assez particulier puisque l’on pourrait distinguer deux « groupes » d’activités : les activités réalisées en fablab et celles réalisées sur l’eau, lors d’expédition. Ce que l’on a pu remarquer lors du travail de terrain, c’est la complémentarité de ces deux groupes et surtout l’importance que tient la participation aux activités proposées en fablab avant d’embarquer les sondes en mer. En effet, selon un.e des participant.es qui participe plutôt à l’utilisation des sondes finies, c’est-à-dire lors d’expédition, iel a déjà pu rencontrer des soucis d’ordre technique qu’il pense pouvoir résoudre en autonomie s’il avait pris part aux ateliers de fabrication en FabLab : « On ne peut pas participer pour des raisons organisationnelles mais si on pouvait être à Brest pour les ateliers, on irait avec plaisir. Je pense que ça faciliterai même la mise en œuvre des prélèvements. Par exemple, on a eu un souci avec la sonde pendant notre dernière expédition, j’en ai parlé à Cédric et j’ai un peu peur que ça ait faussé les données. Peut-être que si on avait assisté aux ateliers, on se serait rendu compte du problème et on aurait été en capacité de réparer la sonde nous-mêmes ». Extrait d’entretien d’un navigateur participant à Astrolabe.

Les deux « groupes » proposent ainsi des activités qui sont complémentaires mais le fait de ne participer qu’à un groupe ou à un autre peut aussi devenir un frein. Le lieu au sein duquel sont fabriqués les sondes, les échanges qui viennent le caractériser et notamment les échanges de connaissances techniques sont donc cruciaux pour la pérennité de l’engagement : « C’est sûr que c’est démotivant en fait d’embarquer une sonde, de se dire qu’on va aider grâce à notre expé et de pas être capable de se débrouiller seul quand il y a un problème parce qu’on n’a pas pu venir aux ateliers. Ce n’est la faute de personne, on ne peut pas être partout et la plupart du temps c’est compliqué de venir à Brest, mais du coup oui, je pense que venir au FabLab c’est une étape hyper importante ». Extrait d’entretien avec un navigateur Astrolabe.

De même, chez Ecoflux, le Fablab est présenté par les enseignant.es responsables comme un moyen qui pourrait permettre de motiver les élèves à prendre part au programme, ou du moins à l’investir avec plus de motivations : « j’ai essayé de croiser au maximum les cours et les matières sur Ecoflux. Je vous ai parlé de l’enseignante en cartographie qui venait et aidait les élèves à faire des cartes des points de prélèvements et de leur environnement. Mais je suis moi-même impliqué dans un fablab et je pense que c’est important de faire passer la science par ces biais-là. J’avais construit une maquette d’un bassin versant que j’avais montré à des jeunes pendant les journées de la science. Et en fait ça les captive, je pense que c’est parce que c’est interactif. Je versais de l’eau, pour qu’ils voient le parcours du cours d’eau, puis je versais ensuite une eau colorée, qui serait une eau polluée : ils pouvaient voir quelles zones étaient touchées, qui ça impactait le plus, que les éleveurs proches du point le plus pollué allaient nécessairement être impacté, etc… Je n’ai pas emmené mes élèves mais je pense que ça serait intéressant, ça leur ferait découvrir un lieu technique et qui les fait aussi sortir du cadre une fois de plus ». Extrait d’entretien avec un enseignant à Morlaix.

Ici, c’est donc le cadre-même du Fablab et les activités qui s’y prêtent qui va, selon nos hypothèses mais aussi celles des enseignant.es, permettre d’ancrer l’engagement des participant.es en engageant leur motivation. Le Fablab, par sa composition, son agencement, ses caractéristiques, va permettre aux participant.es d’identifier un lieu à part entière comme tel, de l’investir pour une activité donnée. 

De plus, le Fablab va aussi permettre l’interaction entre les participant.es mais aussi entre les groupes de participant.es, ces échanges vont se cristalliser et inciter

  1. Une matérialisation des rencontres dans l’espace : dépasser l’engagement individuel

Nous avons vu que d’une part, les activités et les rencontres qui se génèrent au sein des PSP de fait vont impacter l’engagement de celleux qui y prennent part. D’autre part, le lieu, qu’il soit un fablab ou non, qui permet de rendre possible ces rencontres va aussi tenir un rôle quant à aux engagements individuels. Nous nous sommes donc appuyés sur deux pans de la sociologie, celle de l’espace et celle des processus groupaux, pour les croiser et tenter de mettre en avant la complémentarité d’un espace dédié à une ou des activités spécifiques et les effets que cela va tenir sur les engagements individuels, qui deviennent alors quasiment groupaux. 

Nous tenons ici à mettre l’accent sur l’importance que l’espace peut jouer sur les logiques d’engagement et surtout sur la constitution d’un groupe à part entière, qui permettrait de cristalliser l’engagement des participant pour qu’il perdure. En effet, l’espace dédié au PSP va permettre, dans certains cas, de développer de nouvelles formes d’apprentissages et donc de nouvelles interactions qui vont alors être associées au programme en question.

DEVLEOPPER

Nous pensons que créer des échanges réguliers entre les participant.es va permettre d’ancrer leur engagement, voire même de le pérenniser dès lors que ces derniers viennent à se considérer comme un groupe : « Ce qui est bien aussi avec les ateliers de fabrication, c’est qu’on peut se rencontrer dans un cadre différent, on fait de nouvelles connaissances. J’aime bien cette idée qu’on se retrouve pour cette occasion, et par moment, on dépasse un peu le cadre du programme, on va boire un café ensemble, etc… ». Extrait d’entretien avec une participante Astrolabe

L’étude des processus groupaux, du rôle social des interactions entre les individus, de ses effets, etc., est fréquemment abordé en psychosociologie, notamment lorsque l’on aborde les questions de médiation.

Ainsi, nous pensons que les échanges et surtout la pérennisation de ces échanges, par une sorte de mise en œuvre régulière, serait un élément supplémentaire d’ancrage de l’engagement des individus cette fois en tant que groupe participant à un PSP. Malheureusement, nous n’avons pas pu explorer autant que souhaité cet axe sur le terrain, notamment car la plupart des participant.es rencontrées chez Astrolabe ne prenaient pas part aux ateliers de fabrication et que les lycéen.nes impliqué.es chez Ecoflux ne tissaient pas de nouveaux liens en soi, qui seraient « à part » de leurs liens habituels. Cependant, nous avons pu demander aux enquêté.es leur point de vue sur l’importance d’un groupe dans l’engagement. En effet, pour celleux qui n’ont par exemple pas pu prendre part aux ateliers Astrolabe, iels considèrent que les échanges qui ont lieu en présentiel peuvent être un réel plus, l’occasion de « créer un réseau d’échanges, où tout le monde serait réactif » étant donné qu’iels ne se percevraient plus en tant que participant.es mais presque en tant que connaissances. 

Partie 2 : Comprendre la bascule vers l’engagement et ses limites par les expériences vécues du public

Chapitre 1 : Prendre en considération le public et ses retours

Dans cette partie, nous souhaitons mettre en avant les vécus des citoyen.nes participant.es en identifiant leurs rôles, notamment dès lors qu’iels viennent consciemment s’inscrire dans une logique de circularité des connaissances mobilisées et/ou acquises. 

Nous verrons aussi quels peuvent être les freins, parfois inhérents aux programmes mais parfois aussi indépendants des volontés individuelles, qui vont entraver les engagements des participant.es, pouvant à terme mettre en jeu la pérennité du programme.

Section 1 : Citoyen-participant : simple receveur ou bien aussi constructeur/animateur du programme

  1. Co-construire et recevoir des savoirs, circularité de la connaissance

Nous avons évoqué et essayé de traiter de l’importance de considérer les lieux où se matérialisent les PSP, ainsi que ce qui se joue au sein des programmes. Un fait qui semble être plutôt sous-jacent à nos observations et discussions, c’est l’idée de la circularité des savoirs et des connaissances, l’importance de partager les connaissances abordées dans les programmes pour créer du lien et valoriser les participant.es à l’échelle individuelle.

Dans la littérature, et plus spécifiquement dans les pratiques participatives comme mode de production de savoirs en France, de nombreuses critiques ont émergées en parallèle de l’arrivée et du développement des programmes de sciences participatives. En effet, un des retours que nous avons pu lire fréquemment a été que les citoyen.nes sont souvent considéré.es comme une source de récolte de données, comme un individu supplémentaire pour les traiter, qui recevrait des connaissances de la part de la communauté scientifique et pourrait apporter de l’expérience de terrain en échange, qui servirait à cette même communauté. 

Percevoir les citoyen.nes participant.es par le prisme de la science et non par celui des participant.es-mêmes est donc un biais à garder en tête lorsque nous sommes soumis à une lecture sur les sciences participatives, d’où l’intérêt d’étudier les motivations à l’engagement en PSP par le prisme des concerné.es, les participant.es.

Les différents articles lus se terminent souvent sur des propos plus nuancés, avec l’hypothèse que le.a participant.e serait plus qu’un.e simple source supplémentaire de récolte de données mais qu’iel serait en capacité de faire circuler ses apprentissages. 

De plus, nous pensons que la participation au programme permettrait de mettre en place des connexions inter-acteurs territoriales dans le cas de certains programmes, où les liens science-société prendraient alors tous leur sens puisque des acteurs sont amenés à échanger à la suite d’un engagement dans le but de mieux gérer la problématique évoquée.

Par exemple, Ecoflux est un cas assez parlant qui s’inscrit plutôt bien dans ces logiques d’échange et de circularité. En plus de la mise en application pluridisciplinaire du programme (comme nous l’avons vu dans le chapitre 2, section 1 de la première partie), certains lycées organisent des rencontres avec les autres acteurs du territoire pour mettre en application réelle les activités réalisées au sein du programme. En faisant appel à des syndicats, des agriculteurs et producteurs locaux, les élèves vont sur le terrain, apportent aux différents acteurs les résultats qu’iels ont produits pour en discuter et recevoir en échange les conceptions et vécus des individus concernés par les problématiques de pollution de l’eau. 

« On est assez libre en fait en termes d’organisation, tant qu’on se prévient entre collègues. Du coup plusieurs fois j’ai pu emmener les élèves rencontrer les syndicats du coin, les agriculteurs, les gens qui vivent près des points de collecte en fait. Ça leur permet de discuter, d’apprendre aussi beaucoup, mais aussi de présenter le projet, le but, pourquoi c’est mis en place, etc… » Extrait d’entretien avec un enseignant de la MFR de Lesneven.

Schéma 2.  Par Bérangère Storup, adapté de Matthieu Calame, membre du comité d’évaluation du programme REPERE, présentation au CGAER (Conseil général de l’alimentation, de l’agriculture et des espaces ruraux) du Ministère de l’Agriculture, 2012

Chez Astrolabe, cette idée de circularité des savoirs ou des connaissances va se retrouver notamment en fablab, où chacun.e peut partager ses connaissances selon l’activité de la journée. Le.a médiateur.ice est toujours présent.e mais iel ne tient pas le rôle de l’individu qui détiendrai un savoir et le transmettrai de manière verticale :  « en fait c’est super parce qu’on a tous un petit truc qui nous est propre et en atelier on peut le partager facilement, on ne vient pas en atelier de fabrication comme à un cours, on a tous des connaissances qui serviront aux autres à un moment ou un autre. Par exemple, lors de la fabrication des filets phytoplanctons, il y en a qui était hyper doué en couture et donc ils nous ont aidé et on les a construits ensemble. Puis lorsque l’on fabrique les sondes, certains sont peut-être plus doués pour la soudure que pour la couture, donc les rôles viennent s’échanger en quelques sortes. Mais au départ, on part tous du même point et si on a une compétence qui peut être mise en avant pendant l’atelier, alors le participant va l’utiliser pour nous l’apprendre ».

  1. Partager les apprentissages : cas de la communication engageante 

Travaillée entre autres par Caroline Joigneau-Guesnon et Romain Patrux dans « Passer de la conviction à l’action : la communication engageante appliquée aux sciences participatives liées à la biodiversité », la communication engageante est considérée comme « la base théorique de l’engagement et du savoir en communication psychosociale pour rendre le public sensibilisé acteur de la communication et plus uniquement récepteur de l’information ».

Nous nous trouvons ici toujours dans cette logique de partage de la connaissance mais qui va plus loin que recevoir ces connaissances en tant que participant.es (l’échange de connaissances ne serait alors qu’unilatéral, ne permettant pas une circularité optimale qui impliquerait autant les participant.es). Au fil de la bibliographie explorée, tout un pan de la littérature aborde cette question de la communication dite engageante comme catalyseur de l’engagement au sein des PSP. Nous nous retrouvons donc avec l’hypothèse que les participant.es seraient plus à même de s’inscrire sur la durée dans le programme étudié s’iels prenaient part à des actions de partages des connaissances et savoir-faire. Nous pourrions même aller plus loin en émettant l’hypothèse que celleux qui s’engagent à proprement parler au sein des PSP, au point de s’engager au sein de l’organisation-même du programme, vont être alors motivé.es par le partage tant des savoir-faire traversant le programme que des savoirs-être qui relèvent plutôt de logiques associatives mais aussi scientifiques, savoir-être appris et internalisés lors de la participation audit programme mais aussi à d’autres engagements précédents (comme nous l’avons évoqué en début de mémoire). 

D’autant plus que pour certain.es des participant.es rencontré.es, le rôle de la communication dans le partage des connaissances est un réel « plus » pour celleux qui ont déjà une expérience en la matière et qui effectuent où ont par le passé effectué un travail de vulgarisation ou de médiation au sein d’autres associations, la plupart du temps à visée pédagogique.

Ce rôle de la communication « par l’intérieur », par celleux qui vivent et font vivre le programme, est absolument crucial tant pour engager les participant.es, qui valorisent alors leur participation, que pour permettre à d’autres participant.es de s’engager. Dans le cadre du programme Ecoflux, un des lycées rencontrés présentent des modules qui permettent aux élèves d’être formé.es aux logiques de communication sur des sujets scientifiques. Lors des discussions entre scientifiques et enseignant.es-participant.es, l’idée de mettre à profit ces modules en les croisant au programme a été présenté comme une solution qui pourrait pallier le manque de motivation des élèves, voire rendre le programme plus attractif. En effet, communiquer sur les travaux réalisés pour Ecoflux permettrait aux élèves participant.es de valoriser les résultats produits lors de l’année, de les rendre concret, tout en permettant de faire découvrir le programme à celleux qui n’y ont pas pris part ou bien qui pourrait y prendre part les années suivantes. 

Un des effets de ce type de communication est l’ancrage de l’engagement des participant.es au programme par le biais de la réappropriation des problématiques et thématiques qu’iels ont pu aborder. 

En effet, nous insistons sur cette logique de réappropriation qui va permettre d’adapter les connaissances au public participant mais aussi au public visé. Selon Fabien Girandola et Robert-Vincent Joule, la communication engageante vient modifier les comportements en plus des connaissances et attitudes, d’où son intérêt dans les mobilisations liées à l’environnement. Ainsi, pour les auteurs, la mise en application de ce type de communication va permettre de rendre les participant.es acteur.ces, iels ne sont plus passif.ves comme parfois décris ou perçus au début de l’arrivée des programmes de sciences participatives. Selon eux, une activité cognitive va être permise lors du traitement de l’information à communiquer, activité qui aura deux effets principaux : premièrement, l’effet cognitif dépendra de l’implication des participant.es et deuxièmement, approfondir les arguments, les faits à présenter, en amont de la communication permet un rappel important de ces derniers, qui aura ainsi des effets sur les comportements individuels. Les participant.es seront plus à même d’en parler en dehors du cadre du PSP. 

Nous pensons que ce type d’action va aussi permettre une sorte de tournant expert des participant.es, qui sentent alors une fois de plus leur participation valorisée, utile, les incitant à s’engager d’autant plus.

Section 2 : Contexte et présentation du programme 

  1. Quel programme pour quel problématique : considérer les enjeux locaux 

Lors de notre terrain, nous avons remarqué qu’une des motivations premières des participant.es est liée soit à un intérêt pour la thématique abordée au sein du programme, soit de manière plus globale par un lien que l’on peut alors considérer comme émotionnel avec la nature et sa protection. Lorsque l’on approfondi un peu ces motivations, nous sommes en mesure de noter que l’engagement des participant.es est motivé par une meilleure compréhension de leur environnement. Par exemple, dans le cadre d’Astrolabe, les navigateur.ices participent pour mieux saisir les endroits où iels naviguent, parce que, selon elleux, iels sont concerné.es presque directement par les problématiques que le programme met en avant. L’intérêt porté aux thématiques traitées par le programme joue alors grandement dans la motivation des participant.es à s’engager ou non. Cependant, si l’intérêt porté aux thématiques importe nécessairement aux motivations individuelles à l’engagement, l’environnement au sein duquel le programme évolue va lui aussi interférer dans les logiques d’engagement individuel. 

Ainsi, nous pensons que des éléments extérieurs aux motivations individuelles vont agir fortement sur ces dernières, incitant ou non les participant.es à s’engager. Cette question de situation du programme dans son environnement nous semble relever de sa recevabilité, de la manière dont les enjeux qui le traversent sont présentés, établis, quelles sont les problématiques qui viennent l’encadrer et comment sont-elles présentées au public participant.

Nous pensons donc que considérer le programme dans son environnement peut en partie permettre d’expliquer l’engagement ou le désengagement de ses participant.es. Le programme n’est plus un objet d’étude individuel seul mais vient parfois s’ancrer dans des problématiques ou dans un environnement plus global qui peut impacter le déroulement du programme.

Par exemple, lors de la présentation du programme Ecoflux auprès des élèves au début des années 2000, certain.es enseignant.es nous ont fait part de la réticence voire du refus de leurs élèves de prendre part au programme : « en fait quand on nous l’a présenté, c’était pendant le début du scandale sur les algues vertes. Nous on est des classes d’agri, les élèves pour la plupart viennent de ce milieu-là, c’est pas facile, ils voient les parents en difficulté pour certains. Et donc la manière dont on nous a présenté le programme, ils l’ont pris comme une attaque, comme s’ils étaient pris en porte-à-faux. En gros, pour eux, ça sous-entendait que ces problèmes c’étaient leurs fautes, alors qu’il n’y a pas que l’agri, c’est bien plus global que ça ». Extrait d’entretien avec un enseignant de la MFR de Lesneven.

Au-delà du contexte-même au sein duquel le programme s’inscrit, nous pensons que ce genre d’interprétations peuvent être évitées par la manière dont le programme est présenté et donc par le rôle crucial que va tenir le.a médiateur.ice, qui se retrouve alors à faire le lien entre science et société à l’échelle d’un programme.  

Le rôle du médiateur.ice a notamment été relevé par les enquêté.es, pour qui il devient alors le point d’attache, le lien entre les ressentis des participant.es et la communauté scientifique, ainsi que la manière dont les participant.es perçoivent le programme.

Ce rôle du médiateur a par exemple été abordé pendant les entretiens Astrolabe, avec plusieurs caractéristiques qui sont ressorties et qui permettent aux participant.es de savoir qu’iels ont un ancrage fiable avec qui échanger en cas de problème ou d’interrogations. Le.a médiateur.ice est donc décrit par les participant.es comme « disponible et compréhensif, il sait vraiment comment présenter les choses pour que l’on ait toutes les informations en mains avant de commencer les activités ».

Cependant, nous l’avons vu en début d’argumentaire avec Ecoflux, il se peut que le.a médiateur.ice puisse être mis en porte-à-faux. Pour ce programme, le rôle de médiateur.ice est en quelques sortes double : nous trouvons un individu qui fait le lien entre le groupe scolaire et la communauté scientifique (médiateur.ice Ecoflux), et un autre qui va faire le lien entre la communauté scientifique (par le biais du médiateur.ice Ecoflux, la plupart du temps) et les lycéen.nes (l’enseignant. e). Les enseignant.es qui s’engagent au nom de leurs élèves au sein du programme portent alors plusieurs casquettes (enseignant.e, coordinateur.ice du programme, parfois professeur principal..) dont celle de médiateur. Ainsi, lorsque la mise en place du programme se passe mal auprès des élèves (car ce n’est pas leur engagement, c’est celui de leurs enseignants et le vivent donc parfois comme une obligation), les enseignant.es en pâtissent aussi et se désinvestissent à terme. 

« En fait on a très vite joué les mauvais profs. On devait vraiment les pousser pour aller faire les prélèvements mais ça nous ait retombé dessus rapidement. Et c’est en partie pour ça qu’on ne veut pas repartir dans le programme, on entretien un lien avec les lycéen.nes qui est pénalisé quand on joue le rôle de gendarme comme ça à leur courir après pour un prélèvement. Ils sont un peu forcés à l’activité de base mais si en plus on est toujours derrière eux, ils en ont marre et ça nous retombe dessus. Le problème c’est qu’on ne travaille pas ici pour Ecoflux, avant tout on est prof dans telle matière donc l’ambiance créée au sein d’Ecoflux va être répercutée dans nos autres cours ». Extrait d’entretien avec un enseignante de Fouesnant.

  1. Faire le lien entre la science et la société : sentiment d’utilité et reconnaissance

En considérant le PSP dans l’environnement, et plus globalement dans la société, au sein duquel il évolue, nous pouvons mieux saisir le degré d’engagement des participant.es selon leur relation avec ledit environnement (nous avons évoqué que pour Ecoflux, au début des années 2000, la motivation des élèves à prendre part au programme était particulièrement faible entre autres à cause du contexte et de la manière dont le programme leur avait été présenté).

Cependant, dès lors que les participant.es saisissent les enjeux sociétaux traités à l’échelle du programme, iels prennent conscience de l’importance de leur engagement comme un lien entre la science et la société et « se sentent utiles ». 

Le sentiment d’utilité que l’on a déjà abordé en début de travail semble aussi s’accompagner d’une sorte de reconnaissance de cette utilité. 

Nous pensons que le lien établit entre la science et la société, tant par la communauté scientifique que par les citoyen.nes mais dans notre cas nécessairement au travers de la mise en œuvre de PSP, va permettre d’ancrer l’engagement des participant.es. En effet, nous nous sommes demandé quelle était la finalité que les participant.es reçoivent de leur engagement, le sentiment de satisfaction, d’utilité, perçu leur permet de maintenir leur engagement ? Les ressentis perçus et résultants d’un engagement (utilité et/ou satisfaction) vont alors inciter ou non les participant.es s’engager sur le long terme. Or nous pensons que ces ressentis, pour qu’ils soient pérennes, découlent directement de ce qui est fait de l’engagement citoyen, de la manière dont la participation est reconnu, notamment par la science mais aussi par la société non impliquée : les participant.es auraient alors tendance à pérenniser leur engagement dès lors qu’iels se rendent compte que leur participation va être une sorte de liant entre les problématiques présentées par la société à laquelle iels prennent part et la communauté scientifique qui peut y répondre.

Le sentiment perçu par cette reconnaissance, cette sorte de retour sur action, pour maintenir le sentiment de satisfaction, s’il n’est pas entretenu régulièrement, risque de causer un frein à l’engagement sur le long terme. 

Dès lors que le lien science/société engendré par l’engagement au sein d’un PSP va être valorisé, mis en avant, les participant.es vont poursuivre leur engagement car iels le considèrent comme utile non seulement au niveau individuel mais aussi pour la société. 

C’est ce que nous remarquons par exemple chez Ecoflux. En effet, les enseignant.es nous ont confié qu’au sein des classes de lycées agricoles, il y avait par moment des conflits, des tensions, entre spécialités, notamment entre les élèves d’agriculture et d’aquaculture : « en fait c’est super bête parce que plus tard, quand ils travailleront dans le coin parce que c’est ce que font la plupart, ils seront amenés à collaborer. Au lieu de s’entendre dès leur formation, de créer du lien, il y a un peu des conflits qui se transmettent de générations d’élèves en générations d’élèves. Sauf que ça se ressent après dans le monde professionnel, il y a un net manque de communication entre les aqua et les agri, et ça ça advient dès la formation pro ». Extrait d’entretien avec un enseignant de Fouesnant.

Dans le cas d’Ecoflux, le sentiment d’utilité va principalement être perçu par les enseignant.es qui pensent leur engagement comme pouvant être utile à leurs élèves mais aussi aux futurs relations entre ces élèves une fois entré.es dans le monde professionnel. Par le programme et son utilité en soi, iels travaillent aussi sur les rapports science/société futurs, iels perçoivent alors les effets du programme sur un long terme comme une utilité sociétale. En travaillant par exemple sur une meilleure entente entre filière agricole et filière aquacole, pour que les tensions et désaccords soient abordés en amont de leur professionnalisation, iels pensent pouvoir résorber des problématiques locales sur du long terme au travers du programme.

Chapitre 2 : décalage entre leviers et attentes : quels freins supplémentaires

Après avoir abordé les motivations des participant.es, qui peuvent parfois présenter des effets inverses, nous allons voir ici comment les participant.es adaptent parfois leurs attentes pour ancrer leur engagement dans la durée, malgré des freins récalcitrants et extérieurs à leur volonté qui semblent tout de même entraver l’engagement.

Section 1 : Un engagement soumis à des contraintes indépendante à la motivation

  1. Le temps et la temporalité, une approche multiniveau qui peut entraver l’implication et l’engagement

Avant même d’entrer sur le terrain, nous avons, suite à l’établissement de la bibliographie, extrait plusieurs thématiques qui nous semblaient pouvoir jouer sur la motivation à s’engager ou non au sein d’un PSP. Le temps, au sens du temps sur lequel les participant.es s’engageant, en fait partie, comme mentionné en introduction. Cependant, au fil de notre enquête et notamment de notre terrain, nous avons noté plusieurs nuances à cette notion de temps. En effet, plusieurs déclinaisons de la notion « temps » semblent jouer sur les motivations et démotivations individuelles. Par exemple, l’interprétation que nous avions faite en début de travail était celle du temps à consacrer à l’activité. Ce temps, et nous avons pu en témoigner lors des entretiens réalisés, vient agir directement sur l’engagement des participant.es, tant en étant un frein qu’un levier de motivation. Il est lié notamment au temps que prend l’implication au sein du PSP : par exemple, pour certain.es, si les activités sont relativement courtes, ne prennent pas sur le temps personnel des participant.es, alors celleux qui ont peu de temps à accorder au PSP vont tout de même maintenir et poursuivre leur engagement. En somme, le ratio entre le temps personnel qu’iels peuvent accorder au programme et le temps que prend réellement le programme pour se réaliser s’équilibre relativement bien, et va donc permettre aux participant.es concerné.es de maintenir leur engagement. En revanche, ce ratio peut aussi très bien devenir un frein à la motivation personnelle d’autres participant.es dès lors que ces dernier.es vont par exemple vouloir s’investir plus que ce que leur temps personnel ne le permet. Pour ces participant.es, nous notons une volonté de consacrer plus de temps à une activité alors qu’iels viennent à en manquer elleux-mêmes. Ainsi, à terme, la volonté initiale de s’engager pleinement au sien d’un programme va être source de démotivation, iels vont se retrouver à ne plus avoir le même sentiment de satisfaction du début et vont même ressentir une forme de frustration de ne pouvoir s’engager plus, au risque de s’éloigner et don de se désengager du programme. Ce manque de temps, qui est totalement indépendant du programme et plutôt propre aux individus, va donc venir « couper » la motivation initiale qui a mené l’individu à s’impliquer voire s’engager.

« C’est assez décevant parce que ça fait quelques temps que je suis chez Atrolabe et j’ai vraiment envie que ça marche, c’est un beau programme. Le problème c’est que je ne peux y consacrer que deux heures par semaine, quelque chose comme ça, mais vraiment plus parce que je n’ai pas le temps. Du coup c’est frustrant de vouloir faire plus mais de ne pas pouvoir parce qu’on n’a pas assez de temps à consacrer au programme. C’est la faute de personne en soi mais ça reste extrêmement frustrant ». Extrait d’entretien avec une participante Astrolabe.

De même, une autre interprétation du temps qui va influencer les engagements individuels va être le temps de la recherche, et notamment le temps que les résultats prennent à être publiés (et donc produits par les équipes scientifiques impliquées). En effet, le sentiment d’utilité est un effet sur les individus qui les motive à s’engager, mais cet effet est entre autres alimenté par les résultats des actions menées par les participant.es. Ainsi, dans la littérature notamment, nous avons pu saisir que pour les participant.es, ne pas avoir une preuve de l’utilité de leur action au sein du programme va avoir tendance à les démotiver, iels perçoivent alors les résultats scientifiques de leur action comme une preuve concrète de leur utilité à participer.

Or, la temporalité de la recherche ne correspond pas nécessairement à celle que les participant.es entendent. Pour certain.es, si les résultats ne sont pas publiés sur les semaines ou quelques mois suivant, par exemple, leurs prélèvements, iels vont estimer leur participation inutile, d’autant plus que l’engagement peut être, comme nous l’avons vu, motivé par l’idée de prendre part à une action active de préservation et protection d’un milieu, qui va servir à mettre en place des solutions efficaces. 

Ainsi, la participation à un PSP et les échanges entre les citoyen.nes participant.es et la communauté scientifique doit, en plus de produire une collaboration citoyenne, initier et même intégrer quasi pleinement les participant.es à ce que sont les activités scientifiques. Au cours de notre terrain, certain.es des enquêté.es nous ont d’ailleurs fait part de cette réflexion : « En fait j’ai fait pas mal d’assos et j’ai un peu l’impression que pour certains, le résultat doit être presque immédiat, comme si ça leur était dû. Mais la plupart des gens qui viennent chez Astrolabe savent que la science prend du temps et qu’il faut au moins plusieurs mois avant de voir apparaître une once de résultats. Je pense que c’est important aussi d’initier les nouveaux participants à cette temporalité qui peut être différente de la nôtre. Quand on n’est jamais trop rentré dans la sphère scientifique, on n’a aucune idée du temps que ça prend. « Vulgariser la science » devrait aussi faire partie des échanges au sein des programmes de sciences participatives, pour que les gens soient prévenus et que ça ne les décourage pas d’emblée de ne pas voir à quoi leur participation peut servir ». Extrait d’entretien avec une participante Astrolabe.

Le but de notre enquête est de noter quels peuvent être les freins et les leviers qui freinent ou encouragent l’engagement à des PSP. Jusqu’ici, nous avons pu voir que ces freins et leviers relèvent parfois de la configuration du programme, du contexte dans lequel il se situe, mais ils relèvent parfois aussi des individus. Ici, nous pensons que la familiarisation à la sphère scientifique va jouer sur l’engagement des individus, et nous pouvons distinguer deux scénarios qui vont se différencier et agir sur l’engagement sur le long terme. 

Le premier est l’arrivée de participant.es intéressé.es par les thématiques abordées dans le programme, qui n’ont pas nécessairement de connaissances spécifiques dans le domaine scientifique. Dans ce cas-là, il se peut qu’iels s’attendent à des retours concrets (c’est-à-dire des résultats scientifiques entraînant, par exemple, des actions publiques concrètes pour remédier au problème étudié) de leur participation. Sans avoir pris conscience de la temporalité de la recherche au début de leur engagement, iels risquent de se lasser et « d’avoir l’impression de participer dans le vent » : le sentiment d’utilité à la société et à la science qui les animaient à l’initial est donc décroissant et pousse même à freiner leur engagement, voire y mettre fin. 

Dans le second scénario, nous avons été confrontés à des participant.es qui savent par expérience que les résultats de leur participation ne seront pas visibles, ni même forcément consultables, immédiatement. Nous remarquons donc que cette temporalité de la recherche qui peut constituer un frein à l’engagement ne l’est plus dès lors que le public participant a déjà été confronté à la production scientifique. Nous remarquons ainsi que ce public est la plupart du temps constitué d’étudiant.es ou ancien.nes étudiant.es qui sont passé.es par des formations scientifiques. Iels ont conscience de ce dans quoi iels s’engagent et savent que leur engagement et leur participation seront valorisés une fois les résultats produits, même si cela prend du temps.

« Par exemple moi je suis passée par un master bio. Bon voilà, pour avoir côtoyé un peu cette sphère et puis aussi pour avoir un pied dedans, je sais que ça prend du temps. Mais c’est top de se dire que ça va servir à des rapports, à des conclusions qui peuvent changer les choses, même si ça prend du temps, que ça peut échouer aussi parce qu’on ne parle pas assez de l’échec en science. Des fois y’a des recherches qui ne marchent pas mais c’est pas grave, ça veut pas dire que notre participation était inutile ». Extrait d’entretien avec un participant navigateur Astrolabe.

Nous notons ainsi que c’est la confrontation de l’interprétation du temps qui peut être source de freins à l’engagement. Pour certain.es participant.es, introduire ces problématiques en amont ou au tout début du programme pourraient être bénéfique. En évitant de les aborder en cours de route, cela permettrait aux participant.es de s’engager en ayant conscience de la coordination des diverses temporalités : la leur et celle de la science. 

  1. Contrainte budgétaire : la prise en compte des ressources financières

Un autre élément relevé lors de notre état de l’art et que nous avons pu observer au cours de notre terrain est le budget. Comme pour le temps, le budget semble avoir plusieurs interprétations selon le programme que l’on étudie et le contexte dans lequel ce dernier se trouve : il peut s’avérer être un frein plus ou moins conséquent qui peut, à terme, décourager les participant.es à s’engager puisqu’il peut notamment impacter le bon déroulement des activités, tout comme, pour d’autres, il peut être un levier à la participation (notamment lorsque le budget à allouer au programme n’est pas source de conflits internes aux participant.es).

Un des cas les plus marquant sur cette question du budget a été celui d’Ecoflux, où le budget peut être tant un levier qu’un lourd frein en fonction du public visé. 

En effet, il est nécessaire de préciser que les participant.es au programme relèvent de ce que l’on dénommera ici deux groupes différents : celleux qui évoluent en établissement scolaire privé et celleux qui évoluent en établissement scolaire public. En effet, dans le cadre du programme, les groupes scolaires doivent effectuer des déplacements sur des points de collecte, déplacements qui se font donc théoriquement une fois par semaine sur un point donné d’un fleuve finistérien (la plupart du temps proche du lycée). Cependant, les élèves doivent se rendre sur ce point de collecte qui, la plupart du temps n’est pas accessible à pied : il est donc nécessaire de s’y rendre en bus. Or, les enseignant.es de lycées agricoles publics rencontré.es nous ont fait part de la difficulté d’organisation de ces déplacements. Les déplacements représentant un budget à part entière, gérer en amont même de l’année scolaire, les enseignant.es se retrouvent parfois dans l’incapacité de réaliser les déplacements, ce qui a des incidences directes sur la réalisation des prélèvements mais aussi sur les participants. En effet, par moment, il arrivait même que les élèves prenaient sur leur budget personnel pour réaliser les prélèvements, c’est-à-dire qu’iels se rendaient sur les points de prélèvements avec leur voiture et à leur frais : « ça a dû arriver quelques fois, mais généralement sur une année, lorsqu’ils partent seuls comme ça, ils ne sont pas prêts à le refaire ensuite, ce qui est dommage. Ce qui est certain c’est que ça ne peut clairement plus se reproduire aujourd’hui, surtout avec le prix de l’essence. On ne peut pas se permettre de ne pas allouer un budget au déplacement, ça ne les encourage pas à poursuivre les prélèvements, c’est sûr ». Extrait d’entretien avec un enseignant de Morlaix.

Lors des entretiens au sein de nos trois programmes, nous avons demandé aux equêté.es si cette question budgétaire pourrait être un frein à leur engagement, notamment dans une situation hypothétique où iels auraient à participé financièrement au programme en plus d’y prendre part. En effet, pour la plupart, si une participation financière trop importante venait à conditionner leur participation, alors iels mettraient certainement fin à leur engagement. Les réponses données à cette hypothèse sont particulièrement intéressantes puisque l’on y trouve une forme d’échange de bons procédés : elleux donnent de leur temps pour le programme, en échange iels reçoivent soit un sentiment de satisfaction, des connaissances scientifiques et/ou techniques précises, des relations sociales hors de leurs cercles habituels. En revanche, iels considèrent pour la plupart que leur participation « sert à la science », et donc leur demander une participation financière, toujours en fonction du programme, leur semble déraisonnable et constitue nettement un frein à leur engagement.

Conclusion

En quoi la pérennité des programmes de sciences participatives dépend de l’engagement des participant.es ? 

Nous avons pu voir que les programmes de sciences participatives, en essor depuis quelques années déjà, permettent une forme moins traditionnelle de production des savoirs. 

Face au contexte actuel et aux problématiques publiques d’ordre environnemental et/ou social, les citoyen.nes sont de plus en plus ammené.es à agir et s’engager. La mise en place de PSP intervient alors dans un contexte de « nouveau » mode de production de savoirs et de connaissances scientifiques pour pouvoir répondre de manière adéquate aux problématiques parfois soulevées par ces mêmes citoyen.nes. 

Si nous avons pu mettre en avant quelques freins et quelques leviers clés concernant la motivation à l’engagement des participant.es, nous souhaitons ici, pour conclure, mettre l’accent, entre autres, sur l’importance de considérer les émotions et ressentis dans les parcours d’engagement, individuels ou collectifs. Longtemps laissées de côté, notamment en science politique, les émotions sont de plus en plus intégrées aux recherches sur l’engagement citoyen, la participation citoyenne, à des problématiques politiques, sociales, environnementales, etc… 

Les particant.es se considèrent comme concerné.es et agissent donc, que ce soit par le biais du militantisme, de la participation démocratique, ou dans notre cas d’étude, de la participation scientifique. Certains d’entre elleux vont même considérer qu’un engagement au sein d’un PSP traitant de thématiques environnementales aura plus d’effets que des actions environnementales considérées comme classiques, notamment car dès lors que des résultats sont émis par la sphère scientifique, ils intègrent plus aisément la sphère de la décision publique. 

Ce point, que nous n’avons pas abordé dans le corps du texte, nous semble être absolument crucial et pourrait même être présenté comme un levier ultime mais aussi un frein à l’engagement citoyen.

En effet, dans la continuité des leviers et freins à la motivation étudiés dans le corps du texte, nous avons vu que les émotions et ressentis des particpant.es tenaient une place relativement importante dans leur volonté d’engagement. Ainsi, le sentiment d’utilité qui a pu être abordé semble être complet dès lors que les résultats scientifiques auxquels les participant.es ont pris part intègre l’action publique pour mettre en place des solutions pratiques à la protection de l’environnement, ou dans notre cas des océans. 

Cependant, selon les enquêtés, c’est précisément ce retour sur action publique qui semble manquer et qui mènerai  même à un découragement, comme si leur participation n’était pas pleinement utile puisque les résultats émis sont de fait confinés à la science et ne sont pas nécessairement mobilisés lors de l’élaboration de politiques publiques, par exemple.

Ainsi, nous insistons sur l’importance d’adopter et de retranscrire le point de vue des participant.es aux PSP dans les travaux sur les sciences participatives. Cela permet d’avoir une vision plus large des individus et acteur.ices impliqué.es dans ces formes de production de savoirs ainsi que de saisir l’efficacité de la mise en place et de l’investissement de ce type de programmes. Les collaborations observées dans ce travail nous permettent de mieux saisir l’importance des liens entre la sphère scientifique et la société, la manière dont ces derniers se matérialisent, mais aussi la manière dont les investir et les développer pour pouvoir répondre de manière participative, en tant que groupe constituant une société, aux enjeux environnementaux actuels.

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